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Petites vies des prêtres otages de Picpus

père Ladislas

Radigue

père Polycarpe Tuffier

père Frézal Tardieu

père Marcellin Rouchouze

Père Ladislas Radigue – picpucien – Congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marietélécharger sa fiche

Armand Radigue – qui prendra le prénom Ladislas en rentrant dans les Ordres – est né le 8 mai 1823, deuxième des six enfants d’un couple d’agriculteurs normands. Sa mère, morte à 27 ans, était une femme très croyante et elle avait pressenti la vocation de son fils. Après la mort de sa mère, Ladislas fut pris en charge par son oncle prêtre, ce qui lui permit de développer très tôt ses prédispositions au sacerdoce. Il étudia au collège de la Congrégation des Sacrés Cœur de Jésus et de Marie (pères picpuciens) à Séez et finira par entrer lui-même dans cet ordre. Son bon caractère en faisait l’ami de tous les étudiants.
En 1843 il entre donc au noviciat des Picpuciens dans la banlieue parisienne. Il est ordonné prêtre le 22 avril 1948, Samedi Saint. Il était désireux de partir en mission dans des terres lointaines, mais les nombreux obstacles de cette époque troublée l’en empêchèrent. Il se retrouva donc formateur au noviciat de la congrégation. Il passera de nombreuses années à ce poste important et finira par devenir maître des novices en 1863. Excellent directeur spirituel et très bon pédagogue le père Radigue a fait de son noviciat un haut lieu d’entrainement à la vie missionnaire qui attendait la plupart des jeunes en formation. Il était également connu comme un grand pacificateur, notamment durant la période difficile que traversa la congrégation entre 1852 et 1853 en raison de querelles internes. En 1870 il devient prieur de la Maison-Mère des Picpuciens, tout en demeurant formateur au noviciat.
Le père Ladislas était donc prêt pour accomplir sa tâche. En revisitant son histoire, on peut mieux percevoir le contexte de la croissance de son caractère, non seulement pendant ses années de formation, mais durant les vingt années suivantes dans lesquelles il joua un rôle majeur dans la formation de tous les frères dans un contexte turbulent. Ceci lui permettra plus tard d’offrir sa vie comme martyr le 26 mai 1871, rue Haxo.
Alors que les événements de la Commune débutaient, le père Radigue eut la prudence de faire éloigner de la capitale les religieux de sa maison. Il y resta lui-même avec quelques responsables de la communauté. Après des exactions perpétrées par les communards au couvent des religieuses voisin du leur, les Picpuciens furent arrêtés le 12 avril 1871. En prison, les Picpuciens retrouvent les autres otages qui partageront bientôt leur sort. Le père Radigue en entend plusieurs en confession. Il resta jusqu’au bout soucieux du bien des âmes qui lui sont confiées.

Paroles spirituelles


« Je puis vous le dire, à vous mon bien-aimé Père, je n’ai jamais été aussi heureux de ma vie ; j’ai éprouvé combien le Seigneur est bon, et quelle assistance il donne à ceux qu’il éprouve pour la gloire de son nom. J’ai même un peu compris, après l’avoir goûté, le « je surabonde de joie dans toute tribulation » de saint Paul. N’est-il pas vrai, mon Père, qu’aux yeux de la foi, nous ne sommes pas à plaindre? Pour moi, je me trouve très honoré de souffrir pour la religion de Jésus-Christ. Je ne me regarde pas du tout comme un prisonnier politique. Je ne veux avoir d’autre politique que celle de mon Sauveur Jésus. »

« Je suis donc saintement fier de me trouver à la suite de tant de glorieux confesseurs, qui ont rendu témoignage à Jésus-Christ. Je pense au glorieux apôtre Pierre dans sa prison; tous les jours je baise avec amour un fac-similé de ses chaînes que je suis heureux de posséder. Je pense au grand saint Paul en lisant ses souffrances dans les Actes et dans ses Epîtres. Ce que je souffre n’est rien en comparaison ; c’est beaucoup pour moi, parce que je suis faible. Je passe en revue tant d’autres saints et saintes qui sont loués pour avoir souffert ce que je souffre, et je me demande alors pourquoi je ne me trouverais pas heureux de ce qui a fait la félicité des saints. » Lettre au Père Supérieur des Picpuciens le 3 mai 1871.

« Le père Radigue était avant tout un homme de devoir. N’est-ce pas sa foi active dans Jésus-Christ qui a fait de Ladislas un homme de service ? » Témoignage du père Malige

Père Polycarpe Tuffier – picpucien – Congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie

Jules Tuffier, fils de Jean-Paul Tuffier et de Suzanne Martin, est né au Malzieu en Lozère, le 14 mars 1807. Sa mère le plaça tout petit au collège de l’Adoration que tenaient à Mende les Pères des Sacrés-Cœurs, sous la main du prêtre Régis Rouchouze. L’enfant n'avait encore que douze ans lorsqu'un jour, au milieu d'une récréation, il entendit cette parole retentir à son oreille : « Monsieur Jules Tuffier, passez au noviciat. ». Arrivé à Paris, le 3 mai 1820, le jeune Tuffier y fit ses vœux, sous le nom de Polycarpe, le 14 mai 1823. Le père Tuffier venait d'être ordonné prêtre, lorsque la révolution de 1830 éclata.
Entre 1831 et 1858, il fût envoyé en périphérie de Rouen, à Notre-Dame de Paix, à Yvetot comme aumônier des sourds puis comme supérieur du collège des Petits-Carmes de 1847 à 1858 à Cahors. C'est à lui en grande partie que cet établissement est redevable de la prospérité dont il jouit. C'est lui qui en a fait construire la chapelle. En 1850 il profita de la loi favorable à la liberté d'enseignement pour organiser les cours de latin, de grec et de sciences. En 1856 il recueillit les prémices de ses efforts, en voyant plusieurs de ses élèves reçus honorablement à Toulouse au grade de bachelier ès lettres.
Cette affection des élèves des Petits-Carmes pour leur bon supérieur s'est surtout manifestée à sa mort: « Quand la nouvelle se répandit dans cette ville, nous écrit-on de Cahors, que les fédérés de la Commune de Paris l'avaient fusillé sur les hauteurs de Belleville, les amis qu'il avait laissés ici, ses anciens élèves, aujourd'hui prêtres, magistrats, fonctionnaires publics, montrèrent, par leur empressement à exprimer leurs condoléances sympathiques à son successeur, combien son souvenir, après onze ans d'absence, était encore vivace dans tous les cœurs. »
De Cahors, le père Tuffier alla à Mende puis à Laval en 1862. L'année suivante le chapitre général l'éleva à la place de Procureur de la maison principale, place qu'il a occupée jusqu'à sa mort, le 26 mai 1871.
Dans sa prison il a su gagner, sans recherche et sans apprêts, l'estime et l'affection de plus d'un compagnon de sa captivité. « Le premier otage que j'ai salué à la Roquette, le mardi matin, a été votre vénérable cousin, écrit M. Perny à M. l'abbé Hermet, curé de Villereau (Loiret) ; sa cellule se trouvait en face de la mienne. Avant même qu'on ouvrît nos cellules, je l'avais aperçu à travers le vasistas de la porte. Sa figure radieuse, expansive, épanouie, m'attira à lui de prime abord. »

Paroles spirituelles


Dans votre vie vous avez rencontré plus d’une fois de grandes peines. Eh bien, les peines sont pour l’âme le feu qui purifie l’or et le dégage de tout alliage. Pour le prêtre, c’est la seule gloire que l’apôtre saint Paul lui permette d’accepter. Elles nous rappellent que nous sommes les ministres d’un Dieu mort sur la croix. Nous sortirons de cette épreuve meilleurs, il faut l’espérer, et, par conséquent, plus dignes d’annoncer le Dieu crucifié (Lettre à Mme Langlois, 25 AVRIL 1871).

Père Frézal Tardieu – picpucien – Congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie

Nous connaissons peu de choses des premières années du père Frézal Tardieu. Il était compatriote du père Tuffier ; car il naquit à Chasseradez (Lozère), le 18 novembre 1814. Il reçut au baptême les noms de Jean-Pierre - Eugène. Il fut reçu novice à Paris le 2 juin 1837 et fit ses vœux le 24 avril 1839. Dès le mois d'octobre de l'année suivante, il fut envoyé comme directeur au noviciat de Vaugirard, et de là à celui de Louvain, le 3 novembre 1843. Il fut ensuite nommé supérieur de ce même noviciat, le 6 mai 1845. Rappelé à Paris en 1858, il alla comme Directeur au noviciat d'Issy-les-Moulineaux. En 1860, il entra dans le conseil du Supérieur général.
Comme professeur le père Frézal savait se faire aimer de ses élèves, au milieu desquels il aimait à se trouver dans les récréations. Le père Tardieu avait un cœur très sensible et très compatissant ; il était à Louvain le consolateur des affligés, de ceux surtout qui avaient à déplorer la perte d'un père, d'une mère, d'un époux, d'un enfant.
Le père Tardieu s'était fait comme mission d'aller porter les consolations de la foi dans ces familles éplorées, celles même où jusque-là il était inconnu. Mais c'était surtout pour les enfants et pour les pauvres que ce cœur de prêtre était compatissant. Aussi avait-il coutume de dire qu'il valait mieux parler à Dieu que de parler de Dieu. Son humilité était profonde ; il aimait à rester caché. Il parlait fort peu, et à l'entendre on l'eût cru incapable de tout. Cependant au saint tribunal il faisait preuve d'une expérience consommée. Ses exhortations peuvent se résumer en ces deux mots : force et suavité. Il est arrêté le 12 avril 1871 et donne sa vie à Dieu le 26 mai rue Haxo.

Paroles spirituelles


Me voici, ô mon Dieu, je viens pour faire votre volonté ; gravez votre loi au milieu de mon cœur et faites-moi la grâce d’accomplir toujours ce qui vous est agréable.

Ô très sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, mon Dieu et mon tout, je vous adore et vous rends grâces pour les bienfaits de ma création, de ma Rédemption, de ma conservation, des sacrements ineffaçables que vous avez institués pour moi, de ma vocation à la Congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie ; en un mot, pour tous les autres bienfaits innombrables dont vous m’avez comblé moi et tous les hommes.

Daignez ôter de moi tout ce qui vous déplaît et me donner tout ce qui peut vous être agréable.

Dirigez-moi et possédez-moi selon votre bon plaisir.

Prosterné devant vous, ô mon Dieu, et tout couvert du sang précieux de votre Fils, je vous offre et vous consacre tout ce que j’ai, tout ce que je suis, mes pensées, mes paroles, ma santé, mes infirmités, mes maladies, mes biens, ma réputation, ma vie.

Vous m’avez tout donné, je vous le rends tout pour être employé à votre gloire et au salut de mon prochain.

Accordez-moi, par l’intercession de la bienheureuse Vierge Marie, la grâce de ne jamais vous offenser, mais de faire toujours votre sainte volonté.

Faites que j’arrive à la perfection de ma vocation selon l’esprit des sacrés cœurs de Jésus et de Marie, afin que ma joie soit parfaite.

Donnez-moi une bonne volonté, ferme, persévérante et une profonde paix.

Faites que, marchant toujours en votre présence, je vous trouve en toutes choses.

Accordez-moi de tendre continuellement vers vous par amour et par reconnaissance, et d’arriver à vous par la palme du martyr, afin que je puisse vous louer, vous bénir et chanter éternellement vos miséricordes !

Amen.

Prière du père Tardieu

Père Marcellin Rouchouze – picpucien – Congrégation des Sacrés-Coeurs de Jésus et de Marie

Jean-Marie Rouchouze est né le 14 décembre 1810, à Saint-Julien-en-Jarez (Loire). Il eut un frère et une sœur plus jeunes que lui. L'un et l'autre sont entrés comme lui dans la Congrégation des Sacrés Cœurs (Picpus). Son frère François, connu en religion sous le nom d'Euthyme, a été pendant seize ans Supérieur général de la Congrégation ; il est mort à Paris en odeur de sainteté le 2 décembre 1869. Sa sœur, Anna Régis, a gouverné pendant quinze ans avec une prudence remarquable la maison de la Serena au Chili où elle décéda en 1884.
 Après avoir attendu le décès de son père, son frère François entra dans la Congrégation. Puis ce fut le tour de Jean-Marie qui vint à Mende et entra au noviciat le 9 août 1834. Signe et promesse de changement de vie, il laissa son nom de Jean-Marie et pris celui de Marcellin. Le 15 septembre 1836, il vint à Picpus, où il fit ses veux le 2 février 1837 entre les mains du fondateur qui mourait quelques semaines plus tard.
Il fut professeur dans divers établissements de la Congrégation, d’abord en Belgique puis en France. Préfet des études, il faisait régner partout une vraie discipline. Pour cela, il devait contrarier mainte passion ; cependant, les élèves ne lassaient pas de l'aimer. C'était le type du professeur consciencieux, vigilant et dévoué.
En 1852, il part consulter le saint Curé d'Ars. Animé par une profonde humilité, le Frère Marcellin s'était cru longtemps indigne du sacerdoce. « Mon fils, lui dit le saint curé, vous devez être prêtre ; le bon Dieu a des desseins sur vous. » Il consentit donc à recevoir la prêtrise, à l'âge de 42 ans, en 1852. En 1860 à Poitiers, dans une modestie admirable, il redevient un professeur toujours apprécié de ses étudiants. Avec sa simplicité et son enthousiasme il savait captiver les jeunes et les impliquer dans leur apprentissage.
En 1865, son frère, le Très Révérend Père Euthyme, l’appela à Paris pour y remplir la fonction de secrétaire général. Le Père Marcellin accompagnera ainsi son frère à Rome en 1867. Cette tâche correspondait parfaitement à son amour de la vie cachée, à son intérêt passionné pour la communauté et à son amour du détail. Il y restera fidèle jusqu’à son arrestation. Le mercredi saint 12 avril 1871 une bande de gardes nationaux se dirigea vers la maison des Pères de Picpus. Le prieur, R. P. Ladislas Radigue, se rend au palais et assiste à une perquisition complète dans sa cellule. Comme on lisait ses moindres papiers, il dit. « Que cherchez-vous là-dedans ? nous ne faisons point de politique. — Ce n'est point votre politique que nous craignons, mais vous dites la messe et vous portez des scapulaires. Nous ne voulons plus de ces superstitions. » Toute la communauté est finalement emprisonnée. Le père Rouchouze livra sa vie le 26 mai rue Haxo.

Paroles spirituelles


Calme, douceur, régularité : voilà ce qu’on remarquait chez Jean-Marie (Marcellin), et plus encore le silence. Il saisissait les explications du premier coup. Sa mémoire était excellente et il la cultivait avec soin. Ses cahiers comme sa personne étaient tenus avec grand soin et dans un ordre admirable (Témoignage).

C’était un professeur modèle, préparant avec soin ses classes, corrigeant exactement les devoirs, se mettant à la portée des moins bien doués, faisant faire à tous les progrès possibles. Il était très dévoué pour ses confrères, toujours prêt à les aider, dans ce qu’ils avaient de plus pénible et de plus difficile. Là, il se montra Supérieur dévoué et gagnant la sympathie des parents, des élèves et du clergé local (Témoignage).

La prison est pour moi une véritable école du silence. Du reste, nous aurions tort de nous plaindre. La sainte et adorable volonté de Dieu soit faite en tout et partout (le père Rouchouze dans sa prison).