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Petites vies des prêtres otages jésuites

père Anatole de Bengy

père Pierre Olivaint

père Jean Caubert

Père Pierre Olivaint – jésuiteTélécharger sa fiche

Pierre Olivaint naît à Paris, le 22 février 1816, de parents libres-penseurs. Il n’est pas particulièrement croyant. Il réussit, à 20 ans, le difficile concours de l’École Normale supérieure. 

Olivaint va écouter Lacordaire, puis Ravignan à leurs Conférences de Notre-Dame, et il finit, au carême de 1837, par se confesser au célèbre jésuite. Dès lors le normalien, entouré d’un petit cercle d’amis, exerce un véritable apostolat social et surtout religieux. Suivant les traces de Frédéric Ozanam, il devient l’âme de la Conférence Saint-Médard, où tant de brillants étudiants se dévoueront pour les pauvres de la Sœur Rosalie. 

Entré au noviciat jésuite de Laval en 1845, Olivaint, après sept années de formation religieuse exemplaire, passe treize ans au collège de l’Immaculée Conception à Vaugirard. Non content de fonder la réputation du collège par la solide formation intellectuelle des élèves, il veille encore davantage à leur formation morale et religieuse. 

Débordant le cadre du collège, il se préoccupe des pauvres. Par la Société Saint-François-Xavier, il apporte aussi son généreux concours à l’apostolat ouvrier du père Planchat qui mourra à ses côtés rue Haxo quelques années plus tard. De 1865 à 1871, Olivaint est supérieur de la résidence des jésuites de la rue de Sèvres, à Paris. 

Il est très impliqué dans la pastorale auprès des étudiants. Par ailleurs, son ministère proprement spirituel devient dévorant : retraites, confessions, direction spirituelle (prolongée par la correspondance), fréquentes prédications au style direct et enflammé. Au service des pauvres, il enrôle les jeunes qu’il dirige spirituellement et les étudiants. 

Le prestige d’Olivaint devient considérable, comme en témoigne un officier de marine, en 1867 : « J’ai rencontré dans ma vie bien des hommes remarquables ; je n’en ai pas vu un seul comme le P. Olivaint. » 

Alors que la Compagnie de Jésus s’apprête à le nommer provincial, survient, à la fin de la guerre de 1870, la Commune révolutionnaire de Paris. Comme supérieur, Olivaint se laisse arrêter le 4 avril 1871. Interné successivement à la Conciergerie, à Mazas et à la Roquette, il se prépare à la mort avec sérénité. Après l’exécution, le 24 mai, de six otages dont Monseigneur Darboy, archevêque de Paris, c’est le 26 le « massacre de la rue Haxo », où tombent une cinquantaine de victimes, dont Pierre Olivaint.

Paroles spirituelles


Nos progrès dans notre amour pour Jésus-Christ dépendent de notre amour pour ses trois compagnes : la pauvreté, l’humilité et la souffrance… Jésus les a tant aimées qu’il a voulu être reçu par elles dans son berceau et dans leur linceul, qu’il les a glorifiées, réhabilités à jamais par sa mort… Comment devons-nous les aimer ?

Comme Jésus, avec Jésus, pour Jésus. Journal de ses retraites Le 4 avril, apprenant que les jésuites de l’École Sainte Geneviève viennent d’être arrêtés, Olivaint presse ceux de sa résidence d’échapper au péril, mais lui reste à son poste : « Pourquoi vous inquiéter : le meilleur acte de charité n’est-il pas de donner notre vie pour l’amour de Jésus-Christ ? »

« Ô Jésus, pénétrez-moi de cette charité, de cette sainte adresse de votre apostolat, pour que moi aussi, à votre suite, je puisse gagner des âmes. Donnez-moi cette douceur, cette simplicité, cette humilité contre laquelle on ne pense pas même à se défendre, parce qu’on ne rencontre rien qui fasse craindre la domination, rien qui sente l’homme, l’orgueil de l’homme, le joug de l’homme. Que je puisse dire en quelque sorte aux hommes en votre Nom, par mon identification de plus en plus étroite avec votre vérité et avec vous, m’effaçant de plus en plus pour ne pas être entre vous et eux, mais au contraire pour vous laisser toute la liberté d’aller à leurs cœurs. »

Père Anatole de Bengy – jésuite

Anatole de Bengy fit toutes ses études au collège de Brugelette (Belgique), dirigé par les révérends pères Jésuites. Après son cours de philosophie, au moment d'entrer dans le monde, il fut effrayé des dangers qu'il aurait à courir et résolut de se consacrer à Dieu dans un ordre qu'il avait su apprécier et aimer. Il entra au noviciat des Jésuites à Rome, le 13 novembre 1845, puis, après les premiers vœux, il fut, suivant l'usage de la Compagnie, appliqué à l'enseignement dans les collèges. Son goût pour les œuvres qui demandent de l'action et du dévouement le désignaient à ses supérieurs comme un sujet précieux pour les missions et, en général, pour tous les ministères où se déploie le zèle apostolique. Aussi, s'empressèrent-ils d'accepter ses services quand, en 1854, il s'offrit à partir comme aumônier militaire des troupes que la France envoyait en Crimée. C'est là qu'il fit voir pour la première fois tout ce que son âme renfermait de sentiments généreux et dévoués. Après la paix, il reprit ses occupations ordinaires avec l'abnégation la plus entière à tout ce que ses supérieurs demandèrent de lui. Quand éclata la guerre de 1870, il se souvint que, dix-sept ans auparavant, sa présence au milieu des camps avait été utile à nos braves soldats et il sollicita la faveur de reprendre son poste sur les champs de bataille.
Si la mort avait respecté les jours du Père de Bengy sur les champs de bataille au milieu des balles et des obus qui l'entourèrent souvent, c'est que la divine Providence lui réservait une autre fin. Il avait horreur de mourir dans son lit, comme il l'avait exprimé à un de ses amis en partant pour la campagne : "Je ne mourrai pas avec mon bonnet de nuit."
Il fut incarcéré le 3 avril 1871. Le 26 mai, lorsqu'on vint faire l'appel des victimes qui devaient être conduites à la mort, le préposé chargé de ce soin, lisant mal le nom du Père de Bengy, celui-ci s'avança courageusement : "C'est sans doute Anatole de Bengy que vous voulez dire, c'est moi", et il fut emmené dans le funèbre cortège.
En apprenant cette sanglante nouvelle, son excellente mère offrit à Dieu l'immense sacrifice qui venait de s'accomplir mais ses forces trahirent son courage et, quand deux mois après, les vêtements qui couvraient son fils lors de son supplice lui arrivèrent, lacérés par les baïonnettes de ses bourreaux et rouges encore de son sang, elle ne put résister à ce coup si terrible. Elle alla rejoindre au ciel ce fils martyr bien-aimé (28 juillet 1871).

Paroles spirituelles


Le devoir a pour point de départ trois mots… : « Dieu le veut » … admirable point de départ !… Le devoir a pour point d’arrivée la confiance absolue dans celui qui peut sur la terre nous demander le sacrifice de la vie, et nous rendre au centuple la vie… Lui qui nous demande le sacrifice de nos richesses éphémères est assez opulent pour nous rendre, au centuple, des trésors qui ne peuvent redouter les efforts de la rouille et des vers ! (Sermon pour les funérailles du commandant de Dampierre).

Je croyais autrefois être parvenu, dans mes retraites, à ce degré d’indifférence que nous demande saint Ignace, par rapport à la vie et à la mort. Mais je reconnus, à (la prison de) Mazas, que je n’y étais pas encore ; et il m’a fallu plusieurs jours de méditation et de prière pour y arriver. Maintenant, grâce à Dieu, je crois en être venu à bout.

Et peu après, la veille peut être de l’exécution : « Dieu soit béni ! je crois n’être plus seulement dans l’indifférence par rapport à la vie ou à la mort, et il me semble que je préférerais mourir, si Dieu m’en laissait le choix. » (Entretien avec un compagnon de cellule à la Prison de la Roquette).

Père Jean Caubert – jésuite

Le P. Jean Caubert naquit à Paris le 20 juillet 1811. Après avoir parcouru toutes ses classes avec distinction au collège Louis-Ie-Grand, fait son droit et trois ans de stage, il exerça pendant sept ans l'office d'avocat au barreau de Paris. Admis dans la Compagnie de Jésus le 10 juillet 1845, il fit son noviciat à Saint-Acheul et prononça ses premiers vœux le 31 juillet 1847. Il consacra ensuite une année à repasser la philosophie et trois autres à étudier la théologie.
A partir de cette époque, il fut constamment employé dans diverses maisons comme ministre, procureur et confesseur : au grand séminaire de Blois trois ans, à l'école Sainte Geneviève sept ans, à la maison de la rue de Sèvres dix ans. Humble et modeste dans sa vie, il a été magnanime dans sa mort.
Arrestation des pères jésuites de la rue de sèvres le 4 avril 1871
Le 4 avril à 7 heures un quart, on se rend au réfectoire prendre la collation de carême. Tout à coup le frère portier survient : le délégué de la commune était là, à la tête d'une compagnie de gardes nationaux, menée par un certain Lagrange muni de la consigne suivante par ses chefs : « Si vous ne trouvez rien, emmenez-en deux. »
La perquisition commence. Elle dura plus de trois heures. Arrivés dans la chambre du Père procureur, on voit la caisse de la maison. « Ouvrez vite. Où est la clef ? — Je n'en sais vraiment rien, répond le Père Olivaint. Pour moi, je ne l'ai pas, et sans doute elle n'est pas même ici. Le Père procureur, absent, l'aura prise et emportée avec lui. — Mais enfin, dit Lagrange au Père Olivaint, il y a là quelque chose; vous ne me ferez jamais croire le contraire. Il n'y aura donc pas moyen d'avoir la clef, de voir ce Père procureur ? » Le Père Olivaint, si maître de lui, réfléchit et dit : « Si je trouvais quelqu'un pour aller chercher le Père Caubert ? » Et s'adressant à un des Frères : « Vous, mon bon frère, allez donc ; sans cela ils reviendront demain, et ce sera à recommencer ; mieux vaut finir ce soir. »
Plus tard, le Père Olivaint, alors à la Roquette, et à la veille de sa mort, vint à parler spontanément au Père Bazin de cette circonstance qu'on ne savait pas bien s'expliquer : « Mon Père, lui dit-il, il y a quelque chose qui a dû étonner dans ma conduite par rapport au Père Gaubert. — C'est vrai, lui fut-il répondu, je n'y ai rien compris. — Je vis bien, continue le Père Olivaint, que j'allais l’exposer à un danger, mais, d'un autre côté, j'en sauvais peut-être d'autres et la maison avec eux ; puis je me dis : le Père Caubert est un saint; ce qui peut lui arriver de pire, c'est de mourir, et il en sera heureux. » Le frère Guégan, escorté par trois gendarmes, se rend chez le Père Caubert et le ramène. La caisse ouverte, elle se trouvait vide. Ce n'était que trop facile à prévoir après les dépenses du siège prussien.
« Nous sommes volés ! clame Lagrange. Ce sont là des ruses jésuitiques ; elles sont parfaitement connues. Eh bien ! puisqu'il en est ainsi, vous, monsieur le supérieur, et vous, monsieur le procureur, je vous arrête par ordre de la Commune, et vous allez nous suivre. » On emmena les prisonniers à la préfecture de police ; mais, au lieu d'être réunis aux autres prévenus dans la salle commune du Dépôt, on les fit écrouer immédiatement au secret dans des cellules de la Conciergerie.

Paroles spirituelles


Le soutien intérieur est un don de Dieu, et cela n’empêche pas la nature de sentir quelquefois qu’elle aimerait mieux ne pas se trouver entre quatre murs. Aussi ces défaillances servent à me faire comprendre que mon courage n’est pas de moi, et que je dois en remercier Dieu, l’auteur de tout don et de tout bien. Ce qui sert beaucoup à relever l’âme dans les épreuves, c’est de penser souvent à l’amour de Dieu pour nous : que de témoignages on en trouve, quand on rentre en soi-même !

Si on n’était pas captif, peut-être (je parle pour moi) on oublierait trop facilement que la charité nous demande d’avoir compassion des pauvres pécheurs et d’offrir quelques sacrifices à leur intention. Et puis le prêtre n’est-il pas l’ami de Dieu, et, à ce titre, ne doit-il pas se dévouer pour obtenir la réconciliation de ses frères avec Dieu, le Père de tous, Père si plein de bonté et si porté à l’indulgence, quand surtout il se voit comme importuné par la prière d’un ami ?

J’ai la conviction que l’on verra bientôt tous les cœurs s’entendre et s’unir dans un même esprit de concorde et de charité. Sans doute, ce sera un grand bonheur pour tous. Mais aussi nous avons besoin de demander, avec instance, cette grâce à Dieu ; car ce changement admirable dépend surtout de sa miséricorde infinie et de sa toute-puissance. Dieu n’est-il pas le maître des cœurs et notre Père à tous ?